THEME : Gravures et Estampes
M'Hamed Issiakhem
Catalogue Raisonné
Un artiste complet
M’Hamed Issiakhem a intégré l’Ecole des beaux-arts d’Alger en 1947 à l’âge de 19 ans. Son don pour le dessin et ses aptitudes pluridisciplinaires en arts graphiques ont été rapidement remarqués par ses professeurs.
Il sera ainsi invité à réaliser, avec d’autres élèves de l’école des beaux-arts d’Alger, deux des dix-huit gravures destinées aux estampes imprimées dans l’ouvrage « ALGER – 18 gravures en taille-douce exécutées par l’atelier de gravure » paru en 1950.
Du haut de ses vingt ans, M’Hamed Issiakhem aura le double privilège d’inaugurer l’ouvrage avec une première gravure en tête d’ouvrage « La porte du musée Stephan Gsell ».
Ainsi que de réaliser une planche exigeante « La maison Arabe ».
Cette technique d’art graphique pluridisciplinaire nécessite la maîtrise du dessin et de la gravure sur plaque métallique. Plaque destinée à être imprimée sur papier et constituer une estampe .
La première étape de ce procédé est un dessin, un domaine dans lequel excellait le peintre. A ce sujet, son condisciple au beau-arts d’Alger Mohamed Louïl l’évoquait par ces mots :
« Bersier, notre professeur de gravure, nous recommandait d’exécuter en plusieurs temps : faire le croquis d’après nature sur une feuille, le corriger, le décalquer sur la plaque de métal et le graver. Mais Issiakhem lui, grattait rapidement et directement le dessin sur la plaque vernie, faisait valoir sa fantaisie et son savoir-faire. Bersier et nous tous admirions sa grande capacité d’application et de spontanéité»
La seconde étape consiste en effet à gratter le motif sur une plaque de cuivre ou de zinc. Le Zinc étant moins coûteux et plus facile à travailler, il était privilégié à cette époque.
La plaque suivante a été réalisée par le peintre. Sa complexité laisse entrevoir ce qu’évoquait George Mercais dans la préface de l’ouvrage cité plus haut « Il semble même que les exigences d’une technique qui ne s’acquière pas sans peine, d’un métier qui ne s’improvise pas, aient conservé à cet art du dessin une probité, une tenue dont la peinture, bien souvent, ne se soucie guère.
A la « peine » évoquée dans la préface précédente, il est utile de rappeler que M’Hamed Issiakhem avait perdu son bras gauche à l’adolescence (voir Biographie).
Une fois cette gravure réalisée sur la plaque métallique, considérons que ce soit du zinc, elle est recouverte d’encre et puis débarrassée du surplus.
Vient enfin l’impression à la presse. La plaque est ainsi appliquée sur une feuille en coton épais, assez pour épouser les formes, parfois fines, qui y sont gravées.
Et enfin le résultat final sous la forme d’une estampe en série limitée.
M’Hamed Issiakhem utilisera cette technique particulière de dessin dans la réalisation de billets de banque, de timbres et de bien d’autres œuvres à la plume. L’oeuvre suivante réalisée bien plus tard en est une illustration magistrale.
Son observation rapprochée révèle des milliers de traits parallèles et qui se croisent, faisant émerger par leurs couleurs et leur densité les contours et les ombres, qui donnent au personnage et aux motifs du relief et de l’expression. Ce qui est ici un aboutissement technique remarquable, se retrouvait déjà dans l’ouvrage de 1950 cité plus haut. La maison arabe émerge également de cet entrecroisement de traits parallèles, au détail près que le résultat d’alors émane d’une plaque sur laquelle sera gravé le dessin. A la difficulté d’exécution du dessin réalisé à l’Ecole des beaux arts d’alger, il faut imaginer le temps nécessaire à le graver patiemment d’un seule bras. M’Hamed Issiakhem devait trouver plus simple de l’exécuter directement sur la plaque, ce dont fera référence Mohamed Louïl plus haut.
Le travail sur des personnages dessinés à la plume a constitué une recherche précoce dans les années cinquante. Le dessin suivant en conserve une trace rare et précieuse pour le fonds Issiakhem.
A cette technique il lui superposera de la peinture. Des œuvres que nous considérons au Fonds Issiakhem comme des chefs d’oeuvre à trois titres. L’émotion, celle qui nous ramène à la quête éternelle de M’Hamed Issiakhem; exhumer l’âme de son peuple en allant puiser dans son regard « cette riche histoire, une histoire millénaire » M.Issiakhem. Regarder l’oeuvre suffit à nous rappeler à l’ordre. Le personnage nous interpelle. L’émotion passée, arrive le sujet représenté et les riches motifs qui l’entourent. Et enfin, la virtuosité technique dans l’exécution de cet ensemble. Virtuosité qui suffirait à elle seule à donner une valeur intrinsèque significative à l’oeuvre.
S’il exprima à vingt ans un don indiscutable, c’est par un travail et une quête acharnée de perfection qu’il le transformera plus tard en chefs oeuvre au carrefour de la gravure et de la peinture. Des oeuvres aux motifs Algériens sans pareil
